Des chercheurs américains viennent, pour la première fois, de séquencer le génome entier de cellules cancéreuses chez une femme atteinte d'une forme particulièrement grave de leucémie.
L'étude publiée jeudi dans la revue britannique Nature a notamment permis d'identifier huit nouveaux gènes impliqués dans cette maladie de la moelle osseuse, la leucémie aiguë myéloïde, ou LAM, qui frappe 13 000 personnes chaque année aux États-Unis (principalement des personnes âgées de 60 ans et plus) et provoque 8 800 décès environ. Cette découverte, fondée sur une nouvelle méthode destinée à rechercher les causes génétiques du cancer, pourrait ouvrir la voie à des approches thérapeutiques innovantes.
L'équipe dirigée par le Dr Timothy Ley, de l'École de médecine de l'Université Washington à Saint Louis (Missouri), a recherché les mutations génétiques somatiques susceptibles d'initier, au fil du temps, le développement de ce cancer du sang. Pour cela, les scientifiques ont analysé la séquence génétique (ou génome) de cellules cancéreuses prélevées dans la moelle osseuse d'une patiente âgée de 50 ans - et décédée depuis - et celle d'un échantillon de cellules de peau saines appartenant à la même personne.
En comparant les deux séquences, ils ont découvert pas moins de dix gènes mutés dans l'ADN des cellules cancéreuses, dont deux étaient déjà connus pour leur implication dans le déclenchement d'une LAM. En revanche, «les huit autres gènes nous ont surpris. Ils sont tous nouveaux et appartiennent à des parties du génome que nous ne songions pas à prospecter pour ce type particulier de cancer», confie Timothy Lee.
Après coup cependant, leur rôle présumé dans l'apparition de la maladie paraît logique, même si les chercheurs savent encore peu de chose sur la nature précise de ces mutations et sur la manière dont elles induisent la croissance incontrôlée des cellules, qui est la marque caractéristique du cancer.
Trois de ces mutations interviennent sur des gènes impliqués justement dans l'arrêt de la croissance cellulaire, tandis que quatre autres sont localisés sur des gènes liés à la progression du cancer dans l'organisme. Enfin, le dernier des huit pourrait influencer le transfert de certains médicaments vers les cellules cibles. La mutation aurait-elle pour effet de réduire l'efficacité des traitements antitumoraux ?
Selon les auteurs, ces traitements ont d'ailleurs «peu évolué au cours des deux dernières décennies, parce que la plupart des événements génétiques qui initient la maladie restent inconnus».
Nouvelles pistes thérapeutiques
En utilisant la technique de séquençage dite « massivement parallèle » mise au point par la société américaine Illumina, basée à San Diego (Californie), l'équipe de Timothy Lee a contribué à lever une partie du voile. C'est en effet la première fois que le génome des cellules cancéreuses d'un patient est entièrement décrypté. «Il a fallu dix ans et 3 milliards de dollars pour séquencer le premier génome humain complet. Dans deux ans, avec les techniques bientôt disponibles, cela ne coûtera plus que 3 000 dollars, soit un million de fois moins !» souligne le généticien français Daniel Cohen, qui a publié au début des années 1990 la première carte physique du génome humain. «Cela ouvre de nouvelles pistes diagnostiques et thérapeutiques extraordinaires», ajoute-t-il.
Énormément de travail reste cependant à faire. «Il y a probablement beaucoup, beaucoup de façons d'obtenir le même résultat en faisant muter un petit nombre de gènes, souligne Richard Wilson, l'un des signataires de l'article de Nature. Nous sommes seulement en train de regarder la partie émergée de l'iceberg, en termes d'identification des combinaisons de mutations génétiques qui peuvent conduire à une LAM.»